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    J’ai eu vingt ans et bientôt trente,

    les quarante ont suivi et aussi les cinquante,

    avec quelques unités pour perturber les comptes.

    J’ai lu des magazines qui parlaient de mes rides,

    de bouchers qui taillaient dans les bides

    et remontaient des seins à la file

    comme dans les usines pour les automobiles.

    Rester jeune, peu importe le prix !

    Info, intox, il paraît même que le botox…

    Alors, là, moi, j’dis stop.

    Remonter le temps? Avoir encore vingt ans ?

    Ça va pas, non ? Tu sais quoi ? J’ai pas le temps !

    Demain, dans un mois, dans un an,

    j’irai me balader pas très loin sur la plage

    et je ramasserai des galets arrondis

    que je colorierai aux couleurs du bonheur.

    Je lirai des légendes, écouterai des contes

    et puis les offrirai à qui voudra entendre.

    Je me ferai des amis, au hasard

    sur la toile, dans la rue ou au bar ;

    on discutera jusqu’au bout de la nuit de la vie, de l’amour et de la mort aussi.

    Demain, dans un mois, dans un an,

    j’aurai les bras câlins de mes petits enfants

    à mon cou enroulés pour mieux me protéger.

    Mes enfants seront là et nous nous sourirons,

    heureux d’avoir su traverser sans sombrer les tempêtes, les naufrages et puis quelques orages.

    Il m’arrivera encore de chanter, de danser

    et de me régaler de gâteaux, de bonbons, de p’tits plats mijotés

    sans penser aux kilos ou bien à ma santé. 

    Demain, dans un mois, dans un an,

    Je sortirai la nuit avec tous les hiboux

    et verrai le soleil sur la mer se lever.

    Je marcherai longtemps en goûtant le silence

    J’aimerai les odeurs de la mousse en automne et du foin en été

    et le chant des cigales et le soleil brûlant.

    J’écouterai toujours le malheur qui se plaint.

    J’éprouverai encore les bouffées de colère face à la bêtise et la haine étalées.

    Jamais ni l’injustice ni l’infamie je n’accepterai

    et lèverai en l’air, mon poing avec rage.

    Demain, dans un mois, dans un an…

    Et si la mort survient,

    car elle survient toujours, la garce,

    elle me trouvera debout, occupée et ridée.

     

    Mireille Bergès

     


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